Logo helvicare

Les médicaments trop chers en Suisse ?

Drug prescription for treatment medication.

Table des matières

Les médicaments restent toujours très chers en Suisse, malgré la vague de contrôle des prix de 2017. Le contrôle des prix a permis de réaliser une économie de 190 millions de francs mais il reste beaucoup à faire…

En 2018, Interpharma (*) et Santésuisse (**) ont comparé les prix des médicaments en Europe et en Suisse. Ils ont comparé les médicaments originaux tombés dans le domaine public, ceux protégés par un brevet et les médicaments génériques.

Selon cette étude, les prix restent toujours très élevés en Suisse malgré la vague de contrôle des prix de 2017. Le contrôle des prix a permis de faire baisser le prix de plus de 400 médicaments et de réaliser une économie de 190 millions de francs, mais :

  • les médicaments génériques sont deux fois plus chers que dans les pays choisis pour l’étude
  • les médicaments tombés dans le domaine public sont 17% plus chers
  • les médicaments protégés par un brevet, 9% plus chers

Les médicaments en Suisse, plus chers qu’ailleurs

Les médicaments pèsent pour 20% dans la répartition des coûts de la santé, cette proportion augmente d’année en année: il y a urgence à agir !

Répartition des coûts de la santé pour la base LAMal obligatoire en 2016:

Image Coût Santé

Comme les systèmes de santé d’autres pays, le système de santé suisse subit l’explosion des prix. Si rien n’est fait, immanquablement, des malades seront privés du traitement le mieux adapté à leurs besoins. En effet, une protection excessive des brevets a des conséquences lourdes pour des patients. Cela a été le cas récemment pour l’hépatite C. Un traitement novateur existe mais il est si cher que les autorités ont décidé d’en rationner l’accès aux patients les plus gravement atteints:

  • le Sovaldi (Sofosbuvir), pour soigner l’hépatite C chronique, est vendu 48’000 francs par patient (3 mois de traitement)
  • les anticancéreux, par exemple, coûtent parfois plus de 100’000 francs par an et par patient. Le traitement combiné remboursé par l’Assurance obligatoire LAMal coûte 80’000 francs par an, ce tarif peut augmenter en fonction de la durée des soins
  • le Keytruda, pour soigner le mélanome, sera vendu à plus à 112’000 francs par patient (traitement annuel)
  • le Glivec, pour soigner la leucémie est vendu 40’000 francs par an et par patient

Comment en est-on arrivé là ?

Les nouveaux médicaments

Les nouveaux médicaments sont l’une des principales causes de l’explosion des prix des médicaments. Les mécanismes de définition des prix et de contrôle de l’autorité publique apparaissent insuffisants face à un monopole ou une exclusivité commerciale des laboratoires.

Pourtant, le prix des médicaments remboursés par les caisses-maladie n’est pas défini librement sur le marché. Le prix qui résulte de la fabrication, les marges, les coûts administratifs et de conseil sont administrés et régulés par les autorités.

l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ajuste le prix en effectuant une comparaison:

  • avec les tarifs appliqués des médicaments déjà autorisés pour la même maladie et qui sont équivalents sur le plan thérapeutique
  • avec les prix pratiqués dans les autres pays

La limite du système c’est qu’il est difficile de comparer et de fixer le juste prix d’un médicament lorsqu’il n’y a pas de produit équivalent !

Les médicaments génériques

Pour Santésuisse, la forte poussée des coûts s’explique aussi parce que le prix des médicaments génériques n’est pas limité par une réglementation.

Aujourd’hui en Suisse, le prix des médicaments génériques est défini en fonction du médicament d’origine (le médicament “princeps” protégé par brevet). Comme les consommateurs suisses paient le double de leurs voisins européens, ce système montre ses limites.

Pour l’association des fabricants de médicament génériques Intergenerika, cette nouvelle comparaison de santésuisse et Interpharma est «fausse et absurde» :

  • fausse, parce-que le prix des génériques serait constamment ajusté et en baisse depuis des années
  • absurde, parce-que le processus d’approbation de Swissmedic est complexe et les salaires – des grossistes aux pharmaciens – en principe deux fois plus élevés que dans l’UE rendraient toute comparaison avec les autres pays européens inappropriée

Au delà de la polémique, on peut retenir deux causes à la faible part des médicaments génériques en Suisse:

  • le prix trop élevé du générique n’incite pas son achat. Le prix du médicament générique est trop proche du prix du médicament standard
  • les médecins et les pharmaciens ne poussent pas en faveur du recours au générique

La position des laboratoires

Les laboratoires avancent trois autres explications à ces coûts élevés:

  • les prix sont élevés parce que la recherche coûte cher
  • les prix sont élevés parce que le bénéfice thérapeutique est grand
  • les prix sont élevés parce que les coûts de production sont importants

La recherche coûte cher

Pour les laboratoires, les coûts de recherche et développement (R&D) correspondent aux frais engagés par les laboratoires pour mettre au point un médicament innovant et efficace. Ceux qui critiquent cette position des laboratoires soulignent que les montants de R&D sont inconnus et classés confidentiels par les laboratoires. Ils ajoutent qu’une grande part de la recherche médicale se fait dans le secteur public par l’intermédiaire des universités et des instituts. Cette recherche est donc largement financée par l’argent public avec des bourses, le budget des universités ou des crédit d’impôt de recherche. Pour que la recherche soit efficace, elle s’appuie sur un écosystème comme celui qui a permis l’essor du Medtech en Suisse. A titre d’exemple, le développement des médicaments contre l’hépatite C tels que le Sovaldi (Sofosbuvir) a été très largement financé par la recherche publique.

Le bénéfice thérapeutique est grand

Pour les laboratoires, un prix élevé du médicament se justifie par le bénéfice thérapeutique apporté au malade.

Pourtant, depuis une vingtaine d’années, une majorité des médicaments mis sur le marché ne remplissent pas ce rôle. Cela a été également identifié en France où l’on estime que 74 % des médicaments n’apportent que peu de bénéfices thérapeutiques.

Aussi, pour des raisons de recherche de rentabilité, les laboratoires investissent le plus souvent sur des nouvelles molécules traitant plutôt des pathologies chroniques comme le diabète et le cholestérol plutôt que sur des pathologies aigües comme les maladies virales et bactériennes. Les premières molécules sont utilisées pour des traitements qui durent des années alors que les secondes molécules sont utilisées pour des traitements qui ne durent en général pas plus de 10 jours.

Les coûts de production sont élevés

Les laboratoires affirment que les coûts de production sont très importants mais ils ne les communiquent jamais… Pourtant, pour garantir une marge raisonnable sur les ventes, c’est ce qui devrait déterminer principalement le prix d’un médicament. Les graves pénuries de médicaments qui se sont multipliées depuis 2019 montrent que la chaîne d’approvisionnement n’est pas seulement chère, elle est fragile !

Des pistes d’amélioration à l’étude

Les génériques

Santésuisse demande dans un premier temps, un système de prix adapté au prix de ces médicaments à l’étranger. Dans un second temps, cette organisation de la branche de l’assurance-maladie recommande que soient prescrites des substances et non des marques. Ceci pour promouvoir la concurrence entre les substances identiques et privilégier l’offre la moins chère.

Le Surveillant des prix souhaite imposer des prix de référence pour éviter que le système de santé ne fasse les frais du prix plus élevé des médicaments génériques en Suisse.

Le prix de référence

Avec le système du prix de référence, l’assurance obligatoire LAMal ne rembourse qu’un montant fixe par substance active, et ce, quelque soit la marque du médicament. Comme les génériques ont les mêmes substances actives, ils seraient regroupés dans une même catégorie de prix par dosages et emballages de même grandeur. Pour cette catégorie, le prix du médicament le meilleur marché serait la base du remboursement.

Les prix pratiqués à l’étranger pour une catégorie similaire viendrait ajouter un point de comparaison bien utile quand il s’agit de définir la limite supérieure d’un prix.

Le Surveillant des prix

Le Surveillant des prix (***) est en train d’étudier la mise en oeuvre du prix de référence. Pour un médicament, il pourrait tolérer un prix jusqu’à +5% par rapport au prix de référence. Mais cette différence de prix ne pourrait pas être supérieure à cinq francs. Faciliter les Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) et les achats de médicaments à l’étranger pourrait diminuer les prix. Tous les semestre, les prix de référence seraient ré-examinés.

Les médecins impliqués

La mise en oeuvre du prix de référence impliquerait les médecins. Dans des cas bien particuliers, ces derniers auraient la possibilité de prescrire le médicament d’origine (princeps). Le remboursement se ferait sur la base du prix du princeps. Les patients qui ont déjà un traitement spécifique pourraient le poursuivre. Dans les autres cas, le patient devrait payer la différence entre le prix de référence et le prix effectif du médicament choisi.

Une votation

Malgré une opposition forte de la part de l’industrie pharmaceutique et chimique, ainsi que des médecins et des pharmaciens, le Conseil fédéral a annoncé le lancement d’une consultation en ce sens en automne.

L’intervention de l’autorité publique pour la santé

La santé publique est une mission de l’autorité publique. Comme les contraintes vont s’accumuler sur le système de santé, on peut prévoir que de nombreuses autres consultations vont être organisées. Elles demanderont l’avis des électeurs sur des renforcements de l’intervention fédérale et cantonale dans les soins, les médicaments, les assurances.

Aller plus loin …

L’ONG Public Eye est favorable à ce que le Conseil fédéral aille plus loin. Elle demande que le Conseil Fédéral impose des licences obligatoires autorisant que des médicaments génériques soient produits avant l’échéance des brevets des groupes pharmaceutiques. En effet, si l’intérêt général est en jeu, les autorités publiques nationales peuvent, sous certaines conditions, autoriser l’exploitation d’un brevet par une personne tierce sans le consentement du propriétaire. C’est prévu par un accord sur la propriété intellectuelle à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

… ou rechercher l’équilibre

La réponse du conseiller fédéral, M. Berset, sur ce sujet est la suivante: “il faut trouver un équilibre entre recherche au sein des entreprises, recherche publique et une mise sur le marché qui garantit une capacité à investir”.

La voie suisse, jalonnée de consultations

L’étude estime qu’un système de prix de référence, une autorisation plus rapide des médicaments génériques et la suppression des barrières d’entrée sur le marché pourraient permettre une économie estimée entre 400 et 500 millions de francs par an !

Pour appliquer ces mesures de santé publique, nombreux sont les débats et les votations qui restent à organiser.

  • Interpharma

Interpharma, fondée en 1933 et située à Bâle, regroupe les entreprises pharmaceutiques suisses ayant un pôle de recherche.

** Santésuisse

Santésuisse est une des organisations professionnelles qui regroupe des caisses d’assurance-maladie.

*** Surveillant des prix ou Monsieur Prix

Le Surveillant des prix est l’entité fédérale suisse chargée d’identifier les abus sur les prix. Il dépend du Département fédéral de l’économie.

En savoir plus : les médicaments en Suisse

https://helvicare.ch/2021/03/24/medicament-generique-suisse/
https://helvicare.ch/2021/03/22/penurie-medicaments/

Plus d'actualités

Demande de devis gratuit

Nous contacter

Par téléphone

Par email

;