Avec son industrie florissante, ses grandes écoles prestigieuses et ses PME dynamiques, la Suisse se profile comme l’un des acteurs majeurs du Medtech.
Comment les technologies et Internet peuvent-ils améliorer la prise en charge, le diagnostic et le traitement des patients?
Comment favorisent-ils une plus grande implication des patients dans le processus de soins?
La Suisse, championne de l’innovation
Le rapport Recherche et innovation en Suisse 2016 délivré par le gouvernement de la Confédération, démontre que l’excellente réputation du pays en matière d’innovation est fondée.
L’excellence du capital humain
Le rapport souligne la grande qualité du système d’offre de formation suisse. Le secteur des hautes écoles, comprenant notamment l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne ou encore l’EPF de Zurich, remplit sa triple mission d’enseignement, de recherche et de service.
La richesse des réseaux locaux
Parmi les facteurs clés du succès de la Suisse, les performances en termes d’innovations des PME suisses sont applaudies. Cette prouesse s’explique par la diversité et la densité des réseaux économiques et scientifiques locaux dans certaines spécialisations ainsi que par la qualité des conditions-cadres mises en place par les autorités publiques.
Les défis à relever
Les PME rencontrent cependant des difficultés, notamment en matière de financement de leurs activités de recherche et d’innovation, ainsi qu’en matière de transfert du savoir produit par la recherche financée par le secteur public.
Cette observation n’est pas propre à la Suisse mais fait que ce sont surtout les grandes entreprises qui financent et réalisent la recherche et développement sur laquelle elles misent pour leur stratégie de rayonnement mondial.
De plus, le dispositif d’encouragement de la recherche et de l’innovation est léger. Le Fonds national suisse couvre en majeure partie la recherche fondamentale, et la Commission pour la technologie et l’innovation la recherche appliquée.
L’innovation au service de la médecine
Bien évidemment les innovations intéressent depuis longtemps le monde médical car elles permettent d’identifier certaines pathologies, de faire de la prévention, ou encore d’améliorer la qualité et l’efficacité des soins.
L’exemple du séquençage du génome humain
Réalisé pour la première fois en 2003, il permet d’améliorer notre savoir sur le corps humain.
A cette époque, il a fallu mobiliser 2,7 millions de dollars, et 13 ans de travail pour décoder les 3 millions de paires-bases de nos 23 chromosomes.
Désormais, le coût du séquençage d’un génome humain entier coûte environ 1000$ grâce la mise en place de plateforme de séquençage performante.
Sachant que chaque information contenue dans notre ADN peut être un précieux outil de diagnostic, le rendre plus accessible peut permettre de prévenir le développement de certaines pathologies sur une plus large population.
Sophia Genetics, la success story vaudoise
Sophia Genetics, née en 2011 et basée à St Sulpice, est devenue le leader mondial de la médecine basée sur les données grâce à l’intelligence artificielle.
En analysant les données génomiques partagées par les hôpitaux utilisateurs (plus de 240) sur une plateforme analytique, SOPHIA participe quotidiennement au diagnostic de plus de 200 patients. En cinq ans, l’entreprise vaudoise a connu une croissance annuelle de 300% en cinq ans, diffusant sa technologie dans 39 pays.
La technologie dernièrement présentée par l’entreprise permet aux cliniciens d’identifier rapidement le traitement le plus susceptible de soigner la tumeur des patients, en fonction de leur profil génomique, et de les orienter vers des essais cliniques lorsque les solutions thérapeutiques n’existent pas encore.
Des hôpitaux connectés : exemple des HUG et du CHUV
En Suisse, les HUG (Hôpitaux universitaires de Genève) ont été les précurseurs.
Leurs sept applications sont toutes disponibles sous iOS ou Android gratuitement et dans tous les pays, parfois même en allemand et en italien, signe de la volonté de l’établissement de se positionner comme une référence en Suisse et même au-delà.
L’application “SmartHug” lancée en 2014 permet ainsi de solliciter les services d’un médecin à domicile, connaitre les horaires de visite et trouver rapidement les pharmacies de garde.
Plus récemment, en août 2016, le Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) a lancé son application “Urgences Lausanne”.
Grâce à des pictogrammes vert, jaune et rouge actualisés toutes les cinq minutes, il est possible de connaitre le taux d’occupation de six centres d’urgences à Lausanne ainsi que leur proximité par rapport à la localisation des utilisateurs.
Les centres répertoriés sont la permanence du Flon, les Centres médicaux de Vidy, de La Source, d’Epalinges, et du Valante, ainsi qu’ Hirslanden Lausanne à la clinique Cecil depuis l’automne.
Ce système doit permettre aux adultes ayant une urgence non vitale d’être pris en charge le plus rapidement possible, en désengorgeant le service des urgences du CHUV, et ce, dans les meilleures conditions.
Un personnel médical connecté
Les nouvelles technologies et Internet contribuent à améliorer le diagnostic en permettant aux médecins et aux étudiants en médecine d’être plus connectés afin d’être capables de mobiliser des ressources utiles aux traitements des patients.
Améliorer la connection entre les praticiens
Ainsi, l’application Figure 1, co-fondée par le Dr. Joshua Landy, est une sorte “d’Instagram pour docteur”. Par le biais de l’application, les médecins soumettent des cas (avec l’accord du patient) afin d’obtenir l’aide et le conseil d’autres praticiens.
Selon Landy, la plateforme compterait aujourd’hui plus d’1,5 million d’utilisateurs dans le monde, parmi lesquels des docteurs, des infirmiers et des experts de la santé.
La technologie IBM Watson au service de la santé
Créé en 2006 par le géant américain, le robot Watson est un système informatique apte à se procurer, mobiliser et octroyer des connaissances.
Appliquées au domaine de la santé, ses capacités peuvent permettre d’analyser toutes les données rassemblées autour d’un patient : symptômes, découvertes, antécédents médicaux, remarques du patricien, entrevues avec le patient…
L’ordinateur peut alors engager une discussion collaborative avec le professionnel dans le but de déterminer le diagnostic le plus vraisemblable et envisager les options de traitement.
Dans le domaine de la radiologie, l’objectif est que les capacités analytiques de Watson lui permettent de repérer sur les IRM des anomalies imperceptibles à l’oeil humain.
Dans le domaine de la cancérologie, cette technologie est mobilisée pour trouver un compromis en examinant les avantages et les inconvénients d’un traitement contre le cancer et les solutions de dépistage.
En somme, cet ordinateur fournirait une aide décisionnelle à la fois aux praticiens et aux patients.
Quels enjeux pour l’avenir?
L’un des enjeux de cette digitalisation du monde médical reste la création de dossiers électroniques qui permettrait d’avoir accès aux informations concernant le patient depuis n’importe quel centre médical.
Cela pose cependant le problème de la sécurisation des données personnelles et donc de la conjonction d’une telle pratique avec le secret médical. Cela pose aussi le problème du temps de la consultation avec le patient, une étude des HUG vient de révéler que le médecin passe plus de temps devant son écran d’ordinateur qu’à ausculter son patient.
Vers la modification du paradigme scientifique?
Grâce aux nouvelles technologies il est désormais possible de pouvoir évaluer la qualité de son sommeil, son activité physique, son taux de sucre, sa tension…et donc d’être moins passif en s’intéressant à son hygiène de vie.
En effet, le paradigme scientifique traditionnel voudrait que l’individu soit un “patient” dans la mesure où il attend d’être malade, il “patiente”, pour ensuite patienter chez le médecin qui lui prescrit des médicaments pour qu’il se soigne avant d’attendre d’être de nouveau malade. Le patient n’est donc pas nécessairement inclus dans le processus de décision relatif à son traitement.
Le programme “Patients Partenaires” lancé par les HUG tend à répondre à ce problème. Depuis le mois de septembre, des rencontres sont organisées entre le personnel hospitalier et les patients afin de discuter d’enjeux tels que l’accueil à l’hôpital, l’organisation du retour à domicile…
L’objectif d’ici 2020 est de promouvoir la prise en compte de l’avis des patients dans toutes les étapes de sa prise en charge, et ce, dans toutes les spécialités médicales. Cela suppose la reconnaissance du vécu du patient qui sait mieux que personne comment se traduisent ses symptômes et la manière dont il les vit. Le but étant de permettre une amélioration de la qualité et de la pertinence des soins.
Le patient qui devient acteur
On l’a vu, les effets du Medtech ne sont pas limités à la seule technologie, au diagnostic. Le Medtech modifie la manière de travailler du secteur de la santé. Il fluidifie les échanges entre les parties prenantes. Il accompagne l’évolution du statut de patient qui avait une connotation passive.
Le rôle du patient change, la technologie facilite sa reconnaissance comme acteur légitime en inter-relation avec les experts qui l’entourent. Et si c’était cela la principale innovation apportée par le Medtech ?