Je quitte la Suisse pour habiter en France ou j’arrive en France voisine pour me rapprocher de mon nouveau travail en Suisse. Je deviens frontalier !
Après avoir identifié les changements de mon budget, décidé où je vais habiter, réglé les formalités administratives et déclarations en France et en Suisse, vient l’étape des choix majeurs du frontalier.
Jongler avec le taux de change
Je vais percevoir mon salaire en francs suisses ou en euros (les cas sont rares mais ils existent). Comme j’habite en France, mes charges courantes (loyer, nourriture, prêt auto…) sont euros. Mon budget disponible dépend du taux de change (cours du franc suisse par rapport au cours de l’euro). Ce taux a beaucoup varié ces dernières années. Lorsque le franc suisse est “fort” par rapport à l’euro : un même salaire permet davantage de dépenses en France.
Pour éviter les incertitudes sur le taux de change, je peux décider avec ma banque de bloquer le taux de change pour un an et m’assurer un revenu fixe en euro. C’est le mécanisme du change à terme.
Le choix de l’assurance obligatoire
Toute personne qui exerce une activité professionnelle en Suisse doit avoir une assurance minimum qui couvre les risques liés à la maladie, à l’accident et à la maternité. J’ai trois mois depuis mon premier jour d’activité en Suisse pour choisir mon système de santé et prévenir les autorités suisses de ma décision. Ce choix d’assurance maladie obligatoire est à faire au plus tôt. Il est irrévocable : tant que je travaille en Suisse, je ne peux plus revenir dessus. Quand je choisis mon assurance maladie obligatoire, je ne dois pas me tromper car une erreur peut me coûter très cher !
Choisir la CMU
Si je choisis le système français, c’est la CMU (Couverture Mutuelle Universelle) qui s’applique. Le coût de votre santé est dès lors directement indexé sur mon revenu. Le mode de calcul est : 8% du revenu fiscal de référence individuel de l’avis d’imposition moins un abattement forfaitaire de 9’534€.
Les remboursements sont ceux de la sécurité sociale (régime général). Il est conseillé de compléter cette couverture avec une mutuelle. Seuls les soins réalisés sur le territoire français seront remboursés.
Choisir LAMal
Si je préfère bénéficier du système de santé suisse, ou si mon salaire mensuel brut est supérieur à 3’933 francs suisse, je choisis de m’affilier à LAMal (Loi Assurance Maladie) de la Suisse. Ce choix présente l’avantage d’avoir une cotisation moins chère que la CMU, de pouvoir se faire soigner des deux côtés de la frontière et de pallier aux déserts médicaux du côté français.
L’assurance LAMal frontalier de base coûte entre 179 et 800 franc suisse par mois selon les caisses d’assurance.
Pour les soins pratiqués en Suisse, je suis soumis au droit suisse : les soins sont remboursés par la caisse d’assurance avec une franchise de 300 francs et une quote-part de 10% (plafonnée à 700 francs).
La prime de l’assurance maladie LAMal pour les frontaliers est une belle nouvelle pour les résidents Suisses qui viennent habiter en France. Ils découvrent alors que le coût de leur assurance peut être réduit de moitié par rapport à celui d’un résident en Suisse. Cette économie provient de ce que la population de frontaliers est plutôt jeune, en activité professionnelle. Elle effectue peu de soins en Suisse. Ses coûts de santé sont donc moins élevés que ceux de la population résidente suisse.
Ma prévoyance, ma retraite
Si j’arrive en France depuis la Suisse, il n’y aura pas de grands changements en ce qui concerne ma préparation de la retraite. Le changement le plus important est que les frontaliers ne peuvent plus ouvrir de nouveaux contrats d’assurance de 3ème pilier. Le frontalier préparera sa retraite principalement avec son rachat de 2ème pilier et l’achat de sa résidence principale.
Si j’arrive de l’étranger ou d’autres régions françaises, je dois comprendre le mécanisme des trois piliers de la prévoyance suisse.
Le premier pilier
Le premier pilier concerne la prévoyance par répartition dont le but est de garantir le minimum vital aux salariés ou aux indépendants avec l’assurance vieillesse. La cotisation des actifs est reversée aux retraités.
Celui qui commence à travailler en Suisse au milieu de son parcours professionnel ne doit pas s’attendre à un revenu important issu du premier pilier. Il n’aura pas cotisé suffisamment longtemps pour bénéficier de la rente maximale. La rente maximale individuelle est de 2’390 francs suisses mensuels. En 2018, la rente médiane était de 1’772 francs suisses mensuels.
Le deuxième pilier
Le deuxième pilier est la prévoyance professionnelle, dont le but principal est de maintenir le niveau de vie antérieur à la retraite. Il couvre aussi les cas d’accident ou de maladie professionnelle. Mon employeur et moi-même cotisons le plus souvent à 50% / 50%.
Si je n’ai pas commencé à cotiser pour le deuxième pilier depuis mes 25 ans, je peux racheter les années manquantes pour augmenter la prestation qui me sera versée à la retraite. Pour ce faire, je contacte la caisse de pension de mon employeur. Mon employeur ne participera pas financièrement au rachat.
Le troisième pilier
Le troisième pilier concerne la prévoyance individuelle. Contrairement aux deux autres piliers, cette prévoyance est facultative… mais vivement conseillée.
Conçue pour que l’épargne soit bloquée jusqu’à la retraire, cette prévoyance est soumise à des conditions strictes en terme de versement, de durée et de bénéficiaire.
La Confédération encourage cette forme de prévoyance par l’octroi d’avantages fiscaux pour les résidents suisses. Ces avantages sont de plus en plus réduits pour les frontaliers. En particulier, comme nous l’avons dit, les 3ème piliers proposés par les assurances ne sont plus accessibles aux frontaliers. Restent les 3ème piliers des banques suisses qui permettent des versements non imposés limités à 6’826 francs suisses par an. Dans les cantons qui prélèvent à la source, l’avantage fiscal est conditionné par le choix du statut de quasi résident.
Le but du premier et du deuxième pilier est de percevoir à la retraite 60% de votre ancien salaire.
Le frontalier prépare sa retraite avec des rachats de son 2ème pilier et … l’achat de sa résidence principale en France.
Acheter son logement en France voisine
Si je quitte mon logement suisse et deviens frontalier, c’est, probablement, que je suis confronté aux prix de l’immobilier élevés en Suisse et à la rareté des biens à vendre.
L’achat immobilier en France
En arrivant en France, j’ai l’opportunité de ne pas louer ma résidence en France mais plutôt de devenir propriétaire de mon logement. C’est une décision qui permet de bénéficier :
- des aides à l’accession à la propriété en France
- des mécanismes d’amortissement des crédits immobiliers qui permettent d’être pleinement propriétaire à la fin du crédit
- qui permettent d’avoir réduit sa dépense d’habitation au moment de sa retraite
Si j’arrive dans la région pour un nouveau travail, je peux accéder à la propriété en France à la fin de ma période d’essai. Je vais pouvoir acheter ma résidence principale.
Le prêt immobilier en France
Ma rémunération est en francs suisses. Je peux donc emprunter en devise (en franc suisse). Cela me permettra de bénéficier de facto d’un taux d’intérêt plus intéressant qu’un taux en euro. Cela me permettra aussi d’éviter que le taux de change euro/franc suisse impacte mon budget : le montant de mon remboursement restera le même. C’est le mécanisme du change à terme.
Pour résumer, j’achète un bien immobilier en euros. Au moment du déblocage des fonds, ma banque va traduire ce montant en francs suisses. Ce montage financier va m’éviter de subir au quotidien les risques liés au taux de change. En effet, mon salaire et ma mensualité de prêt immobilier seront dans la même monnaie.
Je souscris un prêt immobilier :
- à taux fixe, ma mensualité ne variera pas la durée du crédit (entre 7 ans et 25 ans)
- à taux révisable indexé le plus souvent sur le Libor 1 mois + la marge de la banque. Le taux de départ est alors plus faible qu’un taux fixe. Il y a néanmoins risque que les mensualités augmentent sur le long terme. Néanmoins, les taux variables « capé +1» ou « capés +2 » limitent la hausse du taux d’intérêt à + 1 ou + 2%. Notez qu’il est probable que le Libor soit remplacé en 2022.
Devenir frontalier apporte de grands changements dans la vie quotidienne, ce sont des démarches administratives et des choix dans des domaines très différents. Il est important de bien s’informer, et d’entreprendre ces changements … avec la bonne méthode.